Lettre à Mr Macron, Président de la république, de la part du syndicat CGT Chapelle Darblay, de l’union départementale CGT 76 et de la région CGT Normandie.

Grand-Couronne, le 29 avril 2020

Monsieur Le Président de la République

Emmanuel MACRON

Palais de l’Elysée 55 rue du Faubourg Saint-Honoré

75008 PARIS

Monsieur le Président de la République,

Nous savons que vous êtes trop souvent sollicité pour des intérêts particuliers ou des causes spécifiques. Organisation syndicale représentative des salariés, nous avons de multiples interlocuteurs dans les services déconcentrés de l’Etat et dans quelques ministères. Mais, les acteurs et décideurs économiques appartiennent d’abord au secteur privé et sont avant tout des grands groupes transnationaux, notamment dans la filière papier-bois et singulièrement, dans notre cas, le groupe UPM.

Si nous nous adressons directement à vous c’est donc uniquement pour une raison d’intérêt général et national et, pour le strict respect de la parole présidentielle. En effet, nous savons aussi que cette multiplicité des acteurs publics et privés empêche trop souvent la décision ou ne permet pas toujours de rendre cohérente et lisible une politique. L’ensemble contribue à discréditer encore davantage la parole publique.

Assurément, la crise sanitaire que nous vivons a reposé la question de la souveraineté et de l’indépendance de la Nation. Dans votre discours du 12 mars dernier, tirant les premières leçons de cette pandémie, vous affirmiez la nécessité « de construire, plus encore que nous ne le faisons, une France souveraine, une France et une Europe qui tiennentfermement leur destin en main ». A nouveau, dans votre discours du 13 avril, vous affirmiez « qu’il nous faudra rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française ».

Nous vous avons entendu et compris. C’est exactement ce que nous souhaitons et voulons faire en préservant les capacités de production de papier journal sur le site de Chapelle Darblay à l’opposé des décisions de vente ou de fermeture du groupe UPM, propriétaire du site. Nos écrits et actions depuis plusieurs mois et années maintenant le prouvent.

Unique en France, notre entreprise produit du papier journal recyclé à 100 % à partir de la collecte des papiers usagers sur l’ensemble de la vallée de Seine et au-delà. de sa production est destiné au marché français dont représente la consommation française de papier journal. Nous avons l’honneur de pouvoir citer notre entreprise comme un exemple pour construire une économie circulaire avec des circuits courts sur notre vallée de Seine. Nous sommes fiers d’être le maillon d’une filière qui permet l’indépendance de notre pays, y compris pour sa presse écrite.

De plus 700/0 de la production est destinée au marché européen. Sa disparition amènerait les journaux de l’Union Européenne à recourir à du papier non recyclé, évidemment moins écologique et plus coûteux. Saisie par nos soins, la Commission Européen a d’ailleurs expliqué prendre en considération les besoins spécifiques et leurs conséquences que nous avons exprimés dans la formulation des plans des fonds sociaux européens à l’appui des objectifs du Pacte Vert Européen.

Le temps nous est cependant compté. En effet, à défaut d’un repreneur, l’usine fermera ses portes le 15 juin, date d’échéance du PSE. 230 salariés seront alors licenciés. D’autant que le groupe UPM ne semble pas disposé à vendre l’entreprise mais bien à faire disparaître l’activité. Pour l’instant le groupe ne s’est pas attaqué aux machines, comme ce fut le cas lors du précédent PSE, ou plus récemment dans la Papeterie de Docelles dans les Vosges. Cependant, cette crainte constante, rendrait alors totalement impossible la reprise de l’entreprise et la survie de cette filière.

Il faut, à un moment, des arbitrages et des actes forts pour donner une direction, redonner confiance au pays et mettre en conformité les actes avec les paroles. La réappropriation de l’outil industriel, par exemple par une réquisition nationale et régionale, en faisant valoir le droit de préemption, serait une illustration forte, répondant ainsi aux enjeux économiques, sociaux, et environnementaux. D’ailleurs comme indiqué par le Secrétaire Général de la CGT, Philippe Martinez, dans son courrier du 06 avril, la remise en production de la machine 3, en veille depuis 2015, pourrait répondre avec un financement public aux besoins de la production de masques de protection.

C’est pourquoi nous sommes persuadés et restons confiants, Monsieur Le Président, que les services de l’Etat sauront prendre les décisions pour préserver et développer le site de production de Chapelle Darblay et l’ensemble de la filière papier-bois dans notre pays afin de travailler à la reconstruction de notre système productif, de défendre l’indépendance nationale et de respecter la parole présidentielle.

Espérant que ce courrier retiendra toute votre attention, nous restons à votre disposition.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de nos respectueuses salutations.

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